Gilles de Maistre, réalisateur du film « Le Dernier Jaguar » le plus grand prédateur de la forêt amazonienne

Bonjour Gilles, j’avais eu le privilège de découvrir ton film Le Loup et le Lion en avant-première en octobre 2021 lorsque je travaillais dans le groupe Mediawan*. Nous nous étions rencontrés pour la première fois au 7ème étage (Direction Générale & Présidence) par l’intermédiaire d’Elisabeth d’Arvieu, Directrice Générale Mediawan Pictures (Activités Cinéma, International & Animation). Je suis ravie de partager ton expérience sur la réalisation de ton nouveau film Le Dernier Jaguar sorti le 7 février dans les salles de cinéma.

Trois semaines après sa sortie, Le Dernier Jaguar dépasse déjà les 2 millions d’entrées dans le monde et ne cesse d’attirer de nouveaux spectateurs. Félicitations pour ce beau démarrage, j’en profite également pour féliciter Prune de Maistre, la scénariste du film et ton épouse dans la vie. Comment avez-vous eu l’idée de réaliser ensemble des films avec des animaux aussi puissants et sauvages ? Le jaguar est un animal qui se laisse approcher très difficilement

Le Dernier Jaguar arrive à la fin d’un parcours d’une dizaine d’années qu’on a réalisé avec Prune. Nos films mettent en scène des animaux et des humains, notamment la relation que les humains peuvent créer avec des prédateurs. Le premier film était Mia et le Lion Blanc, ce film est venu de la réalité, d’une histoire qu’on a vécue ensemble en faisant un documentaire. On s’est retrouvé en Afrique du Sud dans une ferme qui élevait des lions pour filmer un petit garçon qui habitait dans cette ferme dont les parents étaient les propriétaires. Le petit garçon était fan de lions, il donnait même des biberons aux bébés. On avait filmé cela pour un documentaire et quand on est parti de l’endroit, beaucoup de gens nous ont dit: « Vous vous êtes complètement faits avoir, c’est une ferme de chasse et les parents vous ont menti. Ils vendent des lions à des chasseurs pour qu’ils soient tués, c’est pour ça qu’ils les élèvent ». On n’arrivait pas à croire que des gens puissent faire un truc pareil. Cela nous a vraiment choqués avec Prune, et puis, on s’est dit que le petit garçon lui, évidemment, n’était pas au courant. On a pris cinq ans pour faire Mia et le Lion Blanc, ça a été très complexe. Après, il y a eu Le Loup et le Lion parce qu’on avait envie de continuer dans cette veine. Le succès de Mia et le Lion Blanc dans le monde a fait que beaucoup de gens nous ont demandé de faire une suite mais on ne pouvait pas puisqu’on avait déjà rompu la relation entre l’actrice Mia et le lion Charlie. La jeune actrice ne pouvait pas continuer, il fallait qu’elle retourne à sa vie. Pour Le Dernier Jaguar on était préoccupé par la forêt amazonienne. On trouvait que c’était un beau décor, il y avait ce beau prédateur qu’est le jaguar et qui est très en danger. On a eu envie de continuer dans un autre continent avec d’autres problématiques.

C’est un film qui s’adresse aux enfants mais aussi aux parents et aux grands-parents. Tu dénonces en effet plusieurs problématiques dont la destruction de l’habitat du jaguar en Amazonie, le braconnage, sans oublier que cet animal est en voie de disparition d’où le titre du film Le Dernier Jaguar ?

Absolument c’est tout à fait ça. Tout d’abord, on a voulu surtout apporter du voyage, du rêve, des émotions aux spectateurs. On raconte une histoire, on a envie de les faire vibrer. Après évidemment, c’est de la comédie d’aventure, elle s’assoit sur une réalité et donc elle est suggérée dans le film. En même temps que l’on s’amuse et que l’on prend du plaisir, on peut être aussi éveillé et se poser des questions. C’est toujours un peu notre ADN, parler aux familles, avoir un public large, les faire venir au cinéma parce qu’ils viennent voir une belle histoire et puis, derrière, approfondir davantage le sujet s’ils en ont envie.

Le tournage du film a eu lieu au Mexique,  peux-tu nous expliquer le choix de ce pays en particulier ?

On a tourné au Mexique parce que les jaguars sont compliqués à trouver. Heureusement il n’y en a pas trop en captivité ou alors c’est vraiment du trafic, évidemment on ne se met pas là-dedans. On a acheté deux jaguars, Hope qui est notre héroïne et sa doublure qui s’appelle Gem auprès d’un éleveur mexicain, qui a pignon sur rue, c’est légal là-bas, le gouvernement mexicain donne des autorisations. On a récupéré ces animaux sur place, on a tourné dans un endroit où ils se trouvaient car on n’allait pas les faire voyager alors qu’ils n’étaient que des petits bébés. Ensuite, on a voulu les faire voyager mais le Mexique rencontre beaucoup de problèmes de papiers pour faire voyager des animaux tels que des jaguars donc nous avons fait le choix de ne pas les sortir du pays. On les a mis directement dans un refuge parce que c’était trop complexe, au départ on avait pensé les amener en Guyane mais cela n’a pas pu se faire.

Comment l’imprégnation des comédiennes s’est-elle déroulée avec les coordinateurs animaliers ? 

il y avait notre héroïne, Lumi Pollack (Autumn) qui a passé un an avec les deux jaguars pour créer cette relation et pouvoir tourner sans trucage avec le jaguar et avoir ces moments d’intimité, de connexion, de communication et d’amour entre les deux. Et puis, il y avait la doublure de Lumi, qui s’appelle Lucrezia Pini. Finalement Lumi a fait tout le film donc Lucrezia a fait un rôle secondaire, en jouant le rôle de la jeune indienne (Celya). Ces deux personnes ont passé un an aux côtés des deux jaguars, à les voir tous les jours, les câliner, leur donner le biberon, leur donner à manger et jouer avec elles. L’investissement qu’elles ont mis donne des images incroyables, certains pensent même que les images sont truquées tellement c’est fou.

Je reconnais que c’est merveilleux de pouvoir obtenir des résultats aussi réalistes sans trucage, personnellement, j’étais en totale immersion, c’est là aussi toute la beauté du cinéma, notamment de ton cinéma qui est authentique. Un personnage a attiré particulièrement mon attention, celui de l’excentrique professeure de biologie, un rôle merveilleusement joué par Emily Bett Rickards. Son rôle est extrêmement drôle, touchant et essentiel. L’enseignement permet de transmettre des messages importants, d’ailleurs à travers ce personnage et ce métier tu voulais rendre un hommage aux professeurs...

Oui, c’était important pour nous aussi de parler des profs. Évidemment, la mécanique de la comédie dans le film, c’est que cette petite-fille qui veut aller sauver son jaguar est bloquée par sa prof de biologie complètement folle et agoraphobe et qui doit essayer de l’empêcher de partir parce qu’elle comprend que la jeune fille va prendre l’avion toute seule et faire une bêtise. C’est le principe, un peu de la mécanique du boulet, cela créé évidemment tout le côté comédie. Mais derrière ça, cette prof fait aussi un parcours personnel, elle dépasse ses peurs pour essayer de sauver cette enfant et elle comprend à quel point le métier de prof, finalement, c’est vraiment la première ligne de la culture et de l’éducation qui permet d’éveiller les enfants au monde et de leur permettre d’améliorer les choses. En effet pour nous, c’était un hommage aux profs notamment dans le contexte en France aujourd’hui où des profs sont menacés et plusieurs ont été assassinés. Rappeler qu’ils sont là pour éveiller nos enfants, que c’est par ce biais là qu’on peut changer les choses.

Tout à fait, j’ai prévu de publier très prochainement plusieurs articles sur le thème de l’enseignement. C’est un sujet qui me touche, j’ai été des deux côtés, du côté étudiant et du côté enseignant. J’ai enseigné dans des établissements bilingues en Espagne. De par mes expériences à l’université et à l’étranger j’ai gardé de nombreux contacts avec des professeurs. Deux de mes meilleures amies sont professeures, l’une est professeure d’espagnol et l’autre est professeure de portugais. J’ai une dernière question à te poser concernant l’avenir de ces animaux : après le tournage que deviennent-ils ?

Ils ont été confiés à un refuge, on va améliorer au maximum leurs conditions de vie, ce n’est pas parfait évidemment puisqu’on aimerait bien les remettre dans la nature mais malheureusement les prédateurs une fois qu’ils sont nés en captivité, on ne peut pas les remettre dans la nature parce que c’est trop dangereux. Le film va payer pour leur bien-être jusqu’à la fin de leurs jours.

C’est génial, merci de nous faire voyager et de nous procurer des émotions aussi intenses à travers tes films qui défendent magnifiquement les animaux et leur environnement. Je terminerai notre interview en annonçant la sortie du film en Espagne le 12 avril et une date est prévue également prochainement pour le Portugal.  

Autumn grandit dans la forêt amazonienne aux côtes de Hope, un adorable bébé jaguar femelle qu’elle a recueilli. Mais l’année de ses six ans, un drame familial contraint Autumn et son père à retourner vivre à New York. Huit années passent, et Autumn, devenue adolescente, n’a jamais oublié son amie jaguar. Quand elle apprend que Hope est en danger de mort, Autumn décide de retourner dans la jungle pour la sauver !

Je vous invite à regarder également cette vidéo sur BFMTV où verrez les coulisses du tournage du film.

Crédits photos : © Gilles de Maistre © 2023 MAI JUIN PRODUCTIONS – WISHING TREE PRODUCTIONS – STUDIOCANAL

*Mediawan est le premier studio européen indépendant de contenus audiovisuels. Fondé en 2015 par Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre-Antoine Capton, le groupe accompagne les meilleurs talents à travers le monde dans la production, la distribution et la diffusion de tous leurs contenus (fiction, flux, documentaire, cinéma, animation…). Un collectif de 70 sociétés et labels de productions présents dans 11 pays, qui concilie liberté, exigence créative et points de vue singuliers.