Carlos Oliveira, le consul général du Portugal à Paris nommé ambassadeur du Portugal à Prague

Avant de se rendre en Tchéquie pour occuper le poste d’ambassadeur du Portugal à Prague, j’ai souhaité rencontrer personnellement le consul général du Portugal à Paris, Carlos Oliveira, un homme passionné par ses missions diplomatiques. 

J’en profite pour féliciter Monica Lisboa qui reprendra les fonctions de Carlos Oliveira très prochainement au consulat situé dans le 17e arrondissement.

Carlos Oliveira, consul général du Portugal à Paris
©Diane Cardoso-Gomes

Monsieur le Consul général, je vous remercie d’avoir accepté cette interview.

Carlos Oliveira : Merci de votre visite, vous êtes la bienvenue.

Puis-je en savoir davantage sur votre carrière diplomatique, comment êtes-vous arrivé au consulat du Portugal à Paris ?

Carlos Oliveira : Je suis entré au ministère des Affaires Étrangères au Portugal il y a un moment maintenant, j’ai occupé plusieurs postes à l’extérieur, j’ai commencé ce parcours par le Cap Vert, ma première affectation, tout de suite après, je suis venu en France, à l’époque il y avait un consulat à Versailles, c’était un des trois consulats qui couvraient le grand Paris, j’y suis resté quatre ans. On reste généralement 3 ou 4 ans à chaque poste. J’ai connu une période à Lisbonne, à Montréal puis à Genève en tant que consul général. A un moment donné j’ai été promu, on m’a fait partir à Alger pour occuper le poste d’ambassadeur là-bas. J’y suis resté 3 ans et demi.

Après cette période, il y avait un besoin d’avoir un nouveau consul général à Paris. J’avais une certaine expérience consulaire donc on m’a proposé ce poste et je me suis retrouvé à Paris, j’y suis depuis quatre ans. Je suis d’ailleurs en train de partir, de quitter ces fonctions. C’est un parcours normal, dans mon cas précis, j’ai toujours beaucoup apprécié l’aspect consulaire. On a pensé que j’avais l’expérience pour devenir consul à Paris puisqu’il s’agit du plus grand consulat portugais au vu de l’énorme présence portugaise en France comme vous le savez.

Oui, tout à fait, vous avez commencé votre mission à Paris en pleine pandémie…

Carlos Oliveira : J’ai commencé en 2020, tout à fait en pleine période de pandémie.  C’était très difficile parce que vous imaginez on recevait ici plus de 500 personnes par jour et on comprend à ce moment-là que ce n’était plus possible parce que ce n’était pas viable. Même avec les restrictions qui existaient, il fallait savoir comment faire. On a beaucoup improvisé à l’époque mais les choses se sont quand même bien passées. On a toujours essayé de répondre aux cas les plus urgents. Finalement, c’était assez différent de ce à quoi je m’attendais parce qu’il n’y avait pas d’activités dans les associations. Ils ont tout stoppé. Cela a duré quand même presque deux ans.

Beaucoup confondent le consulat et l’ambassade, qu’auriez-vous à préciser sur cette différence ?

Carlos Oliveira : J’ai l’habitude de dire que l’ambassade s’occupe des choses importantes à vrai dire ce sont des fonctions différentes. L’ambassade est surtout axée sur les relations entre la France et le Portugal, du point de vue bilatéral, ce qui est politique, la relation des différents ministères sur les différents sujets entre les deux pays, les visites d’Etat, tout ce genre de choses. Nous, au consulat on a rien à voir avec tout cela, on s’occupe de la communauté portugaise qui vit ici, dans le domaine administratif afin de satisfaire les besoins qui se présentent, les pièces d’identité, les enregistrements, etc. D’un autre côté, pour ce qui est de notre action vers l’extérieur, on essaie d’être présent auprès de la communauté portugaise dans des événements qui sont promus par la communauté, par des associations, soit par exemple auprès des mairies où il y a une forte présence portugaise. Et d’ailleurs on a eu de très bonnes collaborations même tout récemment au sujet du cinquantenaire de la Révolution du 25 avril.

Consulat du Portugal à Paris (6 rue Georges Berger, 75017 Paris)
©Diane Cardoso-Gomes

Comment trouvez-vous la communauté portugaise en France en 2024 ?

Carlos Oliveira : C’est curieux parce que je me suis moi-même posé cette question là plusieurs fois, j’étais ici en 1996, quand j’arrive une vingtaine d’années plus tard, je me demande : est-ce que je vais trouver la même chose ? Est-ce que je vais trouver des choses différentes ? D’un côté j’ai trouvé la même chose avec des caractéristiques identiques, il y a même des gens qui étaient déjà ici à cette période là et ils restent en tant que présidents des associations, etc. Mais en même temps cela a énormément bougé parce qu’il y a une nouvelle génération à laquelle vous appartenez et on s’aperçoit que cela change un peu parce que ces personnes là elles sont françaises. Je dis souvent que ce sont des français d’origine portugaise. Cette idée de lusodescendance, je n’aime pas trop cela, ce sont à vrai dire des français qui gardent la nationalité portugaise et c’est tant mieux d’ailleurs. Je pense que la troisième génération même dans certains cas avec la quatrième génération les gens essaient de redécouvrir le Portugal, il y a un nouvel intérêt pour le pays. Ce sont des réalités tout à fait différentes.

Quand j’ai connu la première génération mais surtout la deuxième génération quand j’étais à Versailles, il y avait quand même un certain éloignement, les plus anciens restaient toujours très attachés à l’’idée de retourner au Portugal, d’y aller chaque été. A présent, je crois que d’une certaine façon, ça se normalise. J’insiste beaucoup sur le fait qu’on construit l’Europe ensemble et je crois que c’est une bonne chose, cela ne retire rien au fait que les gens aiment beaucoup le Portugal. Ils viennent ici faire tout ce qu’il faut pour rester en contact avec le pays, du point de vue administratif. C’est une nouvelle façon de faire et c’est aussi le reflet de cette intégration qui est très bien réussie.

Retournez-vous souvent au Portugal ?

Carlos Oliveira : J’y vais souvent bien sûr mais un peu moins parce qu’il y a trop de monde qui part en avion et les prix sont trop élevés (rires). Nous qui sommes ici au consulat nous faisons comme la communauté. On ne reste pas longtemps forcément mais quand même on a ce même lien qui est assez fort, une bonne partie de notre vie reste là-bas, surtout la première génération, je m’aperçois comme par exemple les fonctionnaires qui sont toujours dans ce dilemme: est-ce qu’on rentre, est-ce qu’on reste, est-ce qu’on retourne au Portugal ? On est à mi-chemin si on peut dire, on part là-bas, on reste là-bas quelque mois, on revient ici. C’est toute l’histoire de l’immigration et nous on fait un peu la même chose.

Que retiendrez-vous de cette expérience de quatre ans à Paris ?

Carlos Oliveira : Je trouve que c’est une expérience extraordinaire pour mieux connaître le Portugal, parfois je vois des choses et j’écoute des histoires. Moi même, je ne connaissais pas ce détail vis-à-vis du Portugal. C’est très agréable à voir, à écouter parce que cela nous fait penser que finalement une bonne partie de nos concitoyens, nos compatriotes, qui sont à l’extérieur gardent toujours le Portugal très présent dans leur vie. Voir de jeunes gens qui ont fêté la Révolution du 25 avril m’a beaucoup impressionné. C’était assez extraordinaire parce qu’il y a eu énormément de mairies qui ont mis en lumière l’anniversaire de la Révolution des Œillets et j’ai vu des associations, j’ai vu des portugais, des français, tout ce monde là quand même, c’est assez étonnant, je me demande si au pays, il y a un aussi vif intérêt, cette idée d’appartenance, c’est très intéressant, c’est très touchant.

Je partage votre avis, il y a eu de nombreux événements sur le sujet cette année. D’ailleurs j’ai une amie qui est professeure de portugais dans un établissement à Corbeil-Essonnes qui dirige la section internationale portugaise, il me semble que vous vous êtes rendu à l’occasion du cinquantenaire de la Révolution des Œillets dans ce type de section ?

Carlos Oliveira : Oui c’est vrai, d’une façon générale les sections internationales fonctionnent très bien, elles sont très importantes dans le cadre de l’enseignement du portugais en France. Je trouve que c’est bien qu’on puisse y aller, c’est très bien perçu par les proviseurs, les recteurs, les responsables des sections. On pourrait en avoir plus mais au moins on essaie déjà de garder ce que l’on a. Il y a des gens qui font de réels efforts pour que le portugais soit visible en France. J’imagine que toutes ces personnes là ont vraiment envie que les choses se passent le mieux possible, depuis une cinquantaine d’années on pourrait s’attendre à un peu plus d’élèves mais il faut souligner les efforts qui viennent un peu de partout dans la communauté, de la part de la coordination d’enseignement en France, les institutions au Portugal, l’Institut Camões. Je pense aussi que nous sommes en train de revisiter un peu tout le dispositif. J’imagine peut être que ça va donner des résultats encore plus intéressants dans l’avenir c’est ce que j’espère.

Ce que je remarque de plus en plus de la part des francophones c’est leur intérêt pour le Portugal alors qu’ils n’ont pas forcément de lien avec le Portugal au départ. Ils ont envie de découvrir les différentes régions, d’apprendre la langue notamment…

Carlos Oliveira : Oui, je pense que c’est bien le cas. Le défi est de transformer cette langue portugaise qui restera toujours une langue parlée par énormément de français d’origine portugaise si on reprend le concept mais cela doit devenir de plus en plus une langue internationale, une langue pour trouver de l’emploi au Brésil, en Angola, dans d’autres géographies où l’on parle le portugais. Je crois qu’il y a quand même cette notion et on travaille déjà dans ce sens-là.

Je suis chanceux parce qu’à chaque nouveau poste il y a la possibilité de découvrir des choses très différentes des autres et cela nous permet peut être de mieux comprendre ce qui est autour de nous. C’est peut être l’aspect le plus important dans ma vie.

Merci infiniment pour votre disponibilité, c’était un réel plaisir de vous écouter et de partager ce moment au consulat.

Carlos Oliveira : Merci de votre intérêt et de votre initiative, j’ai beaucoup aimé votre site web, je le trouve très bien pensé. 

Muito obrigada!