Julie de Sousa Cardoso, artiste & illustratrice franco-portugaise

J’ai découvert les illustrations de Julie de Sousa Cardoso, au mois de novembre 2024, en parcourant mon fil d’actualité sur Instagram. Nous avons échangé longuement en ce début d’année sur son joli parcours. Julie est une femme passionnée, créative, authentique, bienveillante et très attachée à ses origines. Un grand merci d’avoir choisi Paris Latina News pour cette première interview.

Par Diane Cardoso-Gomes, fondatrice de Paris Latina News

Bonjour Julie, peux-tu nous parler de tes origines et de ton parcours ?

Julie : Je suis franco-portugaise, née d’une maman française et d’un papa portugais. J’ai grandi en Bretagne, à Brest, entourée de mes trois frères, mais nos étés étaient rythmés par les voyages au Portugal, à Nazaré, le village natal de mon père, aujourd’hui mondialement connu pour ses vagues gigantesques.

Comme beaucoup d’enfants d’immigrés, j’ai grandi entre deux cultures, oscillant entre repères familiaux et questionnements identitaires. Ce va-et-vient constant entre la France et le Portugal a façonné qui je suis et nourrit aujourd’hui mon travail d’illustratrice, profondément attachée à mes origines portugaises.

Petite, j’adorais dessiner, mais en grandissant, j’ai peu à peu délaissé les crayons pour explorer d’autres horizons professionnels. Ce n’est qu’à l’âge de 30 ans, après la naissance de mes deux filles, que j’ai redécouvert le dessin. Avec le temps, il est devenu bien plus qu’un simple passe-temps : un véritable moyen d’expression, de transmission et de connexion à mes racines. Aujourd’hui, mon travail d’illustration est ma manière de célébrer cet héritage et de le partager avec ceux qui, comme moi, ressentent ce lien indélébile avec la culture franco-portugaise et l’histoire de l’immigration portugaise.

Comment est venue cette envie de devenir illustratrice ?

Julie : Cette envie s’est imposée progressivement. Après avoir exploré diverses passions, je suis revenue au dessin, et plus particulièrement à l’encre noire, qui a ce côté élégant et intemporel qui me fascine. Peu à peu j’ai compris que je voulais raconter notre histoire commune, illustrer des souvenirs et mettre en lumière les symboles de la culture franco-portugaise.

Le dessin me permet d’apaiser cette Saudade que ressentent tant d’immigrés portugais et de lusodescendants. Il m’aide à créer du lien entre les générations, à honorer des instants passés et à donner une place à cette double identité. Aujourd’hui, mon travail tourne autour de cette mémoire collective, et c’est un véritable bonheur de voir qu’il touche d’autres personnes ayant une histoire familiale similaire à la mienne.

D’ailleurs, une des raisons qui m’a poussée à m’exprimer à travers l’illustration, c’est la frustration de ne pas bien parler le portugais. J’ai toujours ressenti un décalage avec cette partie de mon héritage, et le dessin est devenu mon moyen de me reconnecter à mes racines et de tisser un lien fort avec la communauté franco-portugaise. Il me permet de raconter ce que les mots ne peuvent pas toujours exprimer et de partager mon attachement profond à cette culture.

Tu as réalisé un projet éditorial en collaboration avec ton frère Cyril intitulé : « 121 outils pour développer le collaboratif : Animer l’intelligence dans vos réunions, ateliers, séminaires », je souhaiterais en savoir davantage, le sujet est très intéressant…

Julie : Ce projet est assez différent de mon travail actuel, mais il reste lié à l’illustration. Mon frère, Cyril de Sousa Cardoso, est entrepreneur, auteur et conférencier. Il est spécialisé dans la créativité, l’innovation, le management, l’intelligence collective et les nouvelles technologies. Il m’a proposé de réaliser les illustrations de cet ouvrage afin de rendre son contenu plus accessible et dynamique.

L’objectif était de faciliter la compréhension grâce à des visuels et des schémas clairs et percutants. Cette collaboration a été une belle expérience, qui m’a confirmé à quel point le dessin peut être un outil puissant pour transmettre des idées.

Aujourd’hui, Cyril s’est notamment orienté vers la démocratisation de l’intelligence artificielle auprès des organisations, entreprises et territoires. Je vous invite à découvrir son travail sur LinkedIn, il est vraiment passionnant !

Qu’as-tu pensé du Gala, organisé par l’association Cap Magellan en date du 8 février 2025 à Paris (Sorbonne Université) ?

Julie : C’était un événement magnifique, chargé d’émotions et de belles rencontres. Cap Magellan fait un travail exceptionnel pour valoriser la culture lusophone et renforcer les liens entre les jeunes lusodescendants. J’ai été honorée de pouvoir y assister et d’échanger avec des personnes partageant cette même fierté d’appartenir à notre double culture.

Ce qui m’a particulièrement marquée, c’est la manière dont ce gala a su mettre en avant l’excellence et les talents de notre communauté, loin des clichés parfois associés aux Portugais. CAP Magellan prouve qu’au-delà des stéréotypes, il existe une richesse culturelle et un dynamisme incroyables chez les lusodescendants. C’était une véritable célébration de notre héritage, porté par des parcours inspirants et une volonté de transmission aux générations futures.

A cette occasion, tu as remis à la présidente de Cap Magellan, Lurdes Abreu, l’une de tes réalisations. Comment a-t-elle réagi ?

Julie : J’ai effectivement réalisé pour Cap Magellan un portrait du célèbre poète portugais Luís de Camões, à l’occasion des 500 ans de sa naissance célébrée cette année.

Malgré l’effervescence de l’événement et son emploi du temps chargé, elle a pris le temps de découvrir mon illustration et d’échanger quelques mots avec moi. Ce fut un moment bref, mais chargé de sens, et j’ai senti qu’elle était touchée.

Offrir un dessin n’est jamais anodin pour moi : c’est transmettre une part de mon histoire, de mon identité. Voir quelqu’un s’émouvoir devant mon travail me rappelle à quel point l’art est un puissant vecteur de mémoire et de transmission. J’espère que cette illustration restera comme un symbole du travail essentiel que Cap Magellan accomplit pour faire rayonner la culture lusophone et renforcer les liens entre les générations.

Quelles sont tes autres passions dans la vie ?

Julie : Je suis une personne très curieuse et j’ai exploré de nombreuses passions au fil des années. Mais aujourd’hui, en parallèle du dessin, ce qui occupe la plus grande place dans ma vie, c’est mon rôle de maman. Avec mon mari, nous avons la chance d’avoir deux merveilleuses filles de 5 et 8 ans. Les voir grandir, s’épanouir et leur transmettre des valeurs fortes est ce qui me tient le plus à cœur.

Mon lien avec elles m’inspire aussi dans mon travail : je veux qu’elles grandissent en étant fières de leurs origines et qu’elles comprennent la richesse de leur double culture. À travers mes illustrations, je leur offre un moyen de se reconnecter à cette histoire et de préserver cet héritage qui nous est si cher.

Quel message as-tu envie de transmettre aux jeunes qui souhaitent se lancer dans une voie artistique ?

Julie : J’ai moi-même l’impression de n’être encore qu’au début de mon parcours, mais s’il y a bien une chose que j’ai apprise, c’est que chaque chemin artistique est unique et qu’il faut oser suivre sa propre voie. J’ai eu la chance de grandir dans une famille sensible à l’art : mon père compose et joue à la guitare sa propre musique, ma mère a exploré l’univers de la peinture pendant plusieurs années même si elle a mis cette passion en pause aujourd’hui et mes frères sont chacun soit très créatifs soit très sensibles à la beauté des choses. J’ai donc toujours vu depuis l’enfance à quel point la création pouvait être un puissant moyen d’expression et de liberté.

Si j’avais un conseil à donner, ce serait de croire en sa singularité et de ne pas attendre la validation des autres pour créer. On nous encourage souvent à choisir une voie plus « sécurisante », mais si l’art vous appelle, il faut l’écouter. Trouver son style et sa voix prend du temps, c’est un processus parfois rempli de doutes, mais c’est aussi ce qui le rend si passionnant.

L’essentiel est de pratiquer régulièrement, d’oser expérimenter, d’accepter de progresser par l’erreur, et surtout, de partager son travail, même imparfait. C’est ainsi qu’on évolue, qu’on trouve son public et qu’on construit une identité artistique forte.

Je terminerai par te remercier sincèrement pour la magnifique personnalisation de mon cadre, tu as su parfaitement représenter ce qui compte le plus à mes yeux… Je te laisse décrire à nos lecteurs ton inspiration pour la réalisation très réussie… Merci infiniment Julie…

Julie : Merci à toi pour ta confiance ! J’ai voulu capturer ce qui te tenait à cœur et créer une illustration qui résonne profondément avec ton histoire.

Je sais à quel point la disparition de ton papa en 2022 t’a marquée, et ce dessin est avant tout un hommage à ce lien fort qui vous unissait. J’ai voulu y intégrer des éléments symboliques qui font écho à ta passion pour le football, à ton père qui te la transmise et à cette année qui, malgré sa difficulté, a aussi été fondatrice pour toi.

Chaque détail a une signification particulière, et c’est ce qui rend cette illustration unique. Pour moi, un dessin ne doit pas seulement être esthétique, il doit raconter une histoire, susciter une émotion, raviver des souvenirs. C’est cette dimension qui donne tout son sens à mon travail.

Je tiens aussi à te remercier, Diane, pour le travail formidable que tu fais pour mettre en lumière les cultures latines, et en particulier la culture lusophone. C’est une mission précieuse et essentielle, qui mérite d’être saluée. Merci également pour cette interview écrite, un format qui me convient bien – avec mon tempérament, ce n’est pas forcément un exercice dans lequel je me sens à l’aise… Mais grâce à toi, j’ai pris plaisir à partager mon parcours.

Photographe du Gala (08/02/2025) ©Philippe MARTINS