Il y a un mois jour pour jour, le samedi 8 février 2025, j’ai eu l’honneur de présenter aux côtés de José Carlos Malato le Gala de Remise de Prix Cap Magellan dans les deux langues, en français et en portugais. Lors de cet événement, j’ai rencontré Lurdes Abreu, la présidente de l’association Cap Magellan. A travers son parcours, je vous propose de découvrir l’association créée en 1991.
Par Diane Cardoso-Gomes, fondatrice de Paris Latina News

Bonjour Lurdes, peux-tu nous présenter brièvement Cap Magellan et ton évolution personnelle au sein de l’association depuis 2018 ?
Lurdes : Bonjour Diane, quel plaisir de pouvoir échanger de nouveau avec toi !
Présenter Cap Magellan brièvement en voilà un défi de taille… Avec plus de 30 ans d’activité au service de la communauté lusophone de France, je vais sûrement devoir survoler certaines de nos actions… Fondée le 24 novembre 1991, Cap Magellan est la première association de jeunes lusophones et lusophiles qui partagent la même volonté de promotion de la langue portugaise, de la culture et bien plus encore. Ce qui fait la force de Cap Magellan ce sont les valeurs de l’association mais aussi la conviction selon laquelle la double culture est une force dont on doit être fiers. C’est fort de son travail de réseau (réseau national associatif, réseau lié à l’enseignement du portugais en France, réseau de professeurs de portugais en France…) et de sa collaboration avec d’autres structures (RNAJ, IEFP, IPDJ ADEPBA, Animafac, CNJ, CCJ, Forum Civique Européen…) que Cap Magellan se démarque et assure la réalisation de son plan d’activité qui comprend notamment des campagnes d’envergures nationales voir transnationales.
De manière non exhaustive, l’activité de Cap Magellan repose sur 4 axes d’action :
L’emploi, avec un département Stage et Emploi qui fait partie des premiers pôles créés dans l’association puisque répondant à un besoin pressant de la génération de lusodescendants dans les années 1990. Ce département s’est bien sûr développé depuis, avec l’organisation d’ateliers professionnels, de rencontres, de forums entre entreprises, étudiants et jeunes diplômés, tout en continuant un accompagnement personnalisé des personnes dans leur recherche d’emploi en France et/ou au Portugal.
La promotion et valorisation de la langue portugaise qui passe notamment par la publication du CAPMag Junior (un magazine entièrement écrit en portugais pour les 8-12 ans) et ses ateliers de lecture ou encore l’organisation de campagnes de promotion de l’enseignement supérieur portugais et du contingent spécial pour lusodescendants (connu aussi sous le nom du quota des 7%) avec une présence au sein des plus grands salons étudiants de France, l’édition d’un Guide LusoSup sur les études supérieures au Portugal mais aussi un accompagnement personnalisé des candidats.
La citoyenneté, au travers de campagnes visant à impliquer chacun et chacune à être actif au sein de notre société. Parmi les actions les plus emblématiques il y a une campagne d’appel au recensement au vote (“Quem vota, conta”), mais aussi la campagne de sécurité routière menée tous les ans depuis 2003 et qui ne se limite plus maintenant à la saison estivale. Le réseau “Trabalhar Juntos” (anciennement États généraux de la Lusodescendance) s’inscrit dans cet axe avec une volonté de mobiliser les jeunes lusodescendants et les impliquer dans la rédaction d’un Livre Blanc qui permettra de valoriser comme il se doit auprès des institutions françaises et portugaises, l’opinion de cette seconde et troisième générations qui subit encore une certaine “invisibilisation”.

La culture lusophone est célébrée non seulement grâce au support de publication et communication (CAPMag, site internet, Facebook, Instagram, LinkedIn, Twitter, TikTok…) mais aussi par le biais de l’émission de radio hebdomadaire Tempestade 2.1 sur les ondes de Radio Alfa, les podcasts (+351 et Tempestade 2.1 en replay), et bien sûr le Gala de Remise de Prix qui tend à récompenser des membres de la communauté qui se sont illustrés dans certaines catégories.
Voilà… Alors je ne suis pas sûre d’avoir été concise et j’aurais pu être encore plus longue car Cap Magellan étant une association de jeunes lusos pour les jeunes lusos, elle s’adapte aux besoins de ces derniers et donc multiplie ses activités pour toujours aller à la rencontre de ces défis.
De mon côté j’ai intégré le rang des bénévoles de Cap Magellan en février 2018, et si je me souviens encore de la date c’est parce qu’une des premières missions qui m’a été confiée en mars a été la rédaction d’un dossier historique sur le centenaire de la bataille de la Lys pour le CAPMag. Je suis très fière de cet article car il m’a permis de contribuer à la mise en avant de la participation du Portugal à la première guerre mondiale, participation jamais abordée dans les livres d’histoire en France, comme beaucoup d’autres participations étrangères dans ce conflit.
Après cette première expérience, j’ai multiplié les actions de Cap Magellan : actions aux frontières et longues nuits en festivals et fêtes populaires pendant la campagne de sécurité routière, journée de fête pour la communauté pendant le Gala, week-end de mobilisation pour les EGL, semaine de networking et culture avec le Encontro Europeu de Jovens Lusodescendentes e Lusófonos (rencontre qui rassemble une cinquantaine de jeunes venant de toute l’Europe et du monde dans une région du Portugal mêlant workshop, culture, networking et travail sur un projet dessiné spécifiquement pour la région d’accueil…).
Finalement en 2020, après l’obtention de mon Master II en Histoire du Droit, j’ai décidé de sauter le pas en revenant au Portugal pour m’y établir. Ne voulant pas laisser Cap Magellan, j’ai poursuivi mes actions au Portugal en devenant notamment représentante de l’association dans le pays, puis vice-présidente, et enfin présidente en avril 2023.
Le Gala du 8 février 2025 a permis de récompenser de nombreux talents et projets liés à la culture lusophone, comment ont été choisies les différentes catégories ?
Lurdes : Le Gala de Remise de Prix est une nuit vraiment très importante pour Cap Magellan. En plus de célébrer les accomplissements de membres de la communauté en donnant de la visibilité à certains projets (Soundscape Portugal présenté par Mickael Cordeiro et Yoann Le Gruiec, “Au-delà du Silence” du réalisateur Christophe Fonseca), en recevant les talents lusophones d’aujourd’hui et de demain (João Gil, Prichia et Desgo), cette soirée est aussi l’occasion de valoriser les membres de cette communauté avec les prix.

Il y a ainsi 6 prix, 5 financiers de 1.500 euros chacun, et 1 non financier :
- Prix Cap Magellan – Fondation Calouste Gulbenkian du meilleur lycéen
- Prix Cap Magellan – Novadelta du meilleur étudiant
- Prix Cap Magellan – Império Assurances du Meilleur Projet Associatif
- Prix Cap Magellan – Banque BCP de la meilleure initiative citoyenne
- Prix Cap Magellan – Fidelidade du Meilleur Jeune Entrepreneur
- Prix Cap Magellan – Vilamoura de la meilleure révélation artistique musicale (non financier)
Ces différentes catégories permettent non seulement de mettre en avant l’excellence des plus jeunes, mais aussi de souligner les succès au-delà des études et ainsi de mettre en avant la partie active de la communauté. A noter par ailleurs que s’il n’y a qu’un lauréat pour chaque prix, trois personnes sont nommées pour la soirée et leur parcours impressionnant est rappelé au moment de l’annonce du prix.
J’ai cru comprendre que tu étais très attachée à ta vie au Portugal, actuellement tu es installée à Lisbonne, penses-tu revenir vivre en France un jour ?
Lurdes : Pour donner un peu de contexte, je suis née au Portugal et c’est à peine âgée d’un an que je suis arrivée en France avec mes parents qui avaient décidé d’immigrer en quête d’une vie meilleure. Si la motivation de cette arrivée en France était donc financière, il était évident aussi pour mes parents qu’un jour ou l’autre on reviendrait à la “maison” et donc au Portugal. C’est entouré de parents extrêmement fiers de leurs origines, avec un papa qui me donnait des cours d’histoire portugaise le week-end, avec une maman qui ne voulait parler que le portugais à la maison que j’ai grandi.
Avec une enfance au cours de laquelle j’ai appris à être fière de ma langue et de ma culture, mais pendant laquelle j’ai aussi été moquée pour ce manque d’intégration, j’ai fini par ne jamais me sentir chez moi en France. Alors bien sûr je reconnais que j’ai eu des opportunités que je n’aurais peut-être jamais eues au Portugal, mais je sais aussi que si j’ai profité de ces opportunités c’est par mon travail et surtout grâce aux sacrifices de mes parents qui ont toujours priorisé mon succès et celui de ma sœur avant tout.
Aujourd’hui après 4 ans au Portugal, à vivre dans ce pays au-delà du cadre des vacances, je reconnais qu’il n’est peut-être pas parfait, et que je n’ai peut-être pas choisi la facilité en revenant ici en terme professionnel, mais je me sens finalement à la maison et cette sensation n’a pas de prix. J’espère que ma situation pourra inspirer d’autres jeunes à sauter le pas et à se faire leur propre opinion du Portugal, en lui donnant une chance d’être vu comme un pays d’avenir et pas seulement le pays de nos “antepassados” (“ancêtres”).

Si je reviens ponctuellement en France, et profite toujours au maximum de chaque moment, notamment pour me réunir avec les membres de Cap Magellan et rencontrer les partenaires de l’association et institutions représentantes de la diaspora, ce n’est véritablement que lorsque je reviens au Portugal que j’arrive à faire taire ce sentiment de “Saudade” qui me pèse.
En plus de vivre un rêve de petite fille en vivant au Portugal, je dois aussi souligner que cette proximité avec les institutions portugaises et autres partenaires de longue date comme le Conselho Nacional da Juventude, permet à la présidence de l’association de prendre des proportions inédites et intéressantes pour l’évolution des actions.
Ton souhait est de rassembler la jeunesse lusophone pour lui donner une voix, un podcast intitulé « Tempestade 2.1 » est diffusé le samedi sur Radio Alfa, qu’as-tu envie de dire aux jeunes qui animent l’émission ? Je pense notamment à Julie, Ricardo, Laura, Antonin et les autres membres de l’équipe ?
Lurdes : Le projet Tempestade 2.1 fête ses 4 ans cette année, et c’est un plaisir de voir l’évolution de cette émission. Dépeint comme le “programa dos luso-descendentes e dos luso-dependentes” c’est une plateforme essentielle qui permet à la nouvelle génération de s’exprimer sur des sujets passionnants et de partager la beauté de la langue et de la culture lusophone avec les auditeurs.
C’est inspirant de voir le professionnalisme dont fait part chaque membre de l’équipe pour préparer chaque semaine une émission innovante et inspirante, qui incite à ne jamais manquer ce rendez-vous du samedi (et à même le réécouter au travers des podcasts Tempestade 2.1 disponibles sur toutes les plateformes de streaming). Sans compter par ailleurs qu’en plus de l’émission ce sont des bénévoles dévoués qui se joignent aussi aux autres projets de Cap Magellan.
La motivation et la force de volonté des membres de l’équipe actuelle, et passée, ne peut qu’inspirer. Ainsi voir que cette génération est prête à “prendre de l’espace”, à “faire du bruit” et donner à leur tour une voix à la jeunesse lusophone c’est la preuve que les sacrifices en valent la peine et que le flambeau est prêt à être repris avec sérieux.
La Journée internationale des femmes, célébrée chaque année le 8 mars, est une journée de mobilisation mondiale pour les droits des femmes et l’égalité des genres. Qu’avez-vous prévu avec l’association comme événement pour cette occasion ?

La défense des droits des femmes et de l’égalité des genres est une question très chère à Cap Magellan, qui a toujours verbalisé sa prise de position à l’encontre des discriminations et inégalités notamment au travers de campagnes, et même plus récemment pendant l’un des workshops du réseau Trabalhar Juntos.
A l’occasion de la journée internationale des droits de la femme, la couverture du CAPMag de mars est dédiée aux “Três Marias” figures emblématiques du mouvement féministe avant et après le 25 Avril 1974, un dossier revenant par ailleurs dans la revue sur la vie des femmes pendant l’Estado Novo. Une petite surprise est aussi prévue sur les plateformes de streaming avec un nouveau hors série du podcast +351… et je n’en dis pas plus car certaines choses doivent rester un peu secrètes…
J’encourage en tout cas, tout le monde à s’intéresser de plus près aux différents mouvements féministes dans les pays lusophones, et aux figures féminines qui ont marqué l’histoire par leur résistance et courage et à qui l’on doit tellement aujourd’hui. Célébrer la journée internationale des droits des femmes c’est valoriser les acquis et s’interroger sur ce qu’il reste encore à accomplir : et si cette année ce sont les 50 ans de la loi Veil, au Portugal le droit à l’avortement n’est reconnu que depuis 2007, si cette liberté est maintenant protégée en France avec une inscription dans la Constitution, les femmes au Portugal ne jouissent pas encore des mêmes garanties. Il y a toujours des défis à relever, posons-nous les questions qui nous permettront de dessiner un futur à la hauteur de nos attentes.
Cette nécessaire participation citoyenne est encouragée par Cap Magellan, qui joue son rôle pour défendre les valeurs qui sont les siennes, et encourage chaque citoyen à devenir acteur et décisionnaire de demain. Que ce soit sur ce sujet des égalités de genres ou tout autre, Cap Magellan continue de recueillir les contributions pour la rédaction du Livre Blanc de la jeunesse, et profitant de cette journée internationale des droits des femmes, je vous rappelle que vous pouvez VOUS aussi utiliser votre voix. Chaque témoignage, chaque parcours, chaque expérience compte pour construire des actions concrètes et un futur plus inclusif !

Crédit photo : Philippe Martins
