Sebastián Nieto Parra, chef de l’unité Amérique latine et Caraïbes du Centre de développement de l’OCDE

J’ai rencontré Sebastián Nieto Parra lors d’une conférence à Paris au Cercle France-Amériques sur les réformes économiques et les évolutions politiques en Argentine depuis l’arrivée au pouvoir de Javier Milei. J’ai souhaité en savoir davantage sur son parcours au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques. L’OCDE est une organisation internationale qui œuvre pour la mise en place de politiques meilleures pour une vie meilleure. L’objectif est de promouvoir des politiques publiques qui favorisent la prospérité, l’égalité des chances et le bien-être pour tous. 

Par Diane Cardoso-Gomes, fondatrice de Paris Latina News

Bonjour Sebastián, vous êtes franco-colombien, parlez-nous de vos origines…

Sebastián : Merci pour cette première question, qu’on me pose d’ailleurs très rarement (sourire).

Mes deux parents sont colombiens et je suis né à Bogotá. J’ai grandi en Colombie jusqu’à l’âge de 14 ans, puis nous avons déménagé en France avec ma mère et mon frère, suite au travail de ma mère. C’est en France que j’ai poursuivi ma scolarité, en terminant le collège et jusqu’au lycée, avant d’entamer des études en économie. Par la suite, mon parcours m’a amené à alterner entre la Colombie et la France, avec également des passages aux États-Unis et en Espagne. En Colombie, j’ai notamment travaillé dans la fonction publique, à la Banque centrale et au Ministère des Finances. Puis, je suis revenu en France pour poursuivre mes études, jusqu’à l’obtention d’un doctorat en sciences économiques.

Pourriez-vous expliquer votre rôle au sein de l’OCDE ? 

Sebastián : Je suis en charge de l’équipe Amérique latine et Caraïbes au sein du Centre de développement de l’OCDE. Notre mission principale est de formuler des recommandations de politiques publiques pour favoriser un développement plus inclusif et durable dans la région. Le Centre de développement a la particularité d’accueillir des pays membres qui ne sont pas nécessairement membres de l’OCDE. Pour l’Amérique latine et les Caraïbes, 15 pays sont membres du Centre, dont le Chili, la Colombie, le Costa Rica et le Mexique, qui sont également membres de l’OCDE. 

Concrètement, nous réalisons des études empiriques et analysons les priorités des pays pour stimuler la création d’emplois formels, renforcer l’inclusion sociale et la productivité, et tirer pleinement parti des transitions verte et numérique. Ce ne sont que quelques exemples des sujets que nous traitons. L’un de nos travaux phares est le rapport Perspectives économiques de l’Amérique latine, connu par le LEO en raison de son sigle en anglais, que nous co-produisons avec la CEPAL, la CAF – Banque de développement pour l’Amérique latine et les Caraïbes, ainsi que la Commission européenne. 

La quatrième Conférence internationale sur le financement du développement (FfD4), qui se tiendra du 30 juin au 3 juillet 2025 en Espagne à Séville, représente une opportunité majeure pour accélérer la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et promouvoir la réforme de l’architecture financière internationale. Quelles sont les défis et les opportunités pour l’Amérique latine et les Caraïbes ? 

Sebastián : Pour atteindre les objectifs de développement de la région d’ici 2030, il faudrait mobiliser environ 99 milliards de dollars chaque année. Cette année est en effet historique, car nous aurons FfD4 dix ans après la troisième Conférence qui s’était tenue à Addis-Abeba en Éthiopie. FfD4 est une occasion unique d’explorer de nouvelles politiques et d’identifier des sources innovantes de financement. Cela passe à la fois par le renforcement des ressources publiques — à travers la fiscalité et le rôle accru des banques publiques de développement — mais aussi par une mobilisation plus forte du secteur privé via le développement des marchés de capitaux pour financer des investissements de long-terme et une meilleure inclusion financière. Cette conférence invite à une coopération renforcée entre banques nationales et multilatérales de développement, ainsi qu’à une réforme de l’architecture financière internationale. Ces thèmes ont d’ailleurs été au cœur de notre dernier rapport LEO, qui portait précisément sur le financement du développement durable. 

La semaine dernière, vous avez réalisé plusieurs déplacements dont un à Madrid et l’autre à Bogota… 

Sebastián : Effectivement, la semaine dernière a été très riche en échanges, à la fois avec les autorités publiques, des acteurs du secteur privé et le monde académique, d’abord à Madrid, puis à Bogotá et finalement à Barranquilla. Le rapport LEO est un outil important de dialogue avec les décideurs de la région et leurs partenaires — comme l’Espagne ou la France — pour avancer sur des réformes structurelles. Notre agenda actuel se concentre notamment sur l’amélioration des politiques budgétaires et la mobilisation du secteur privé autour du financement du développement. 

Comme un intervenant l’a souligné lors de la présentation du rapport LEO à Bogotá, il est précieux de réunir autour d’une même table grâce au LEO tous ces acteurs, publics, privés et organisations internationales, pour dialoguer et trouver une seule voix. Dans un contexte régional marqué par de fortes polarisations, nous devons collaborer à créer du consensus. Plus que jamais, il nous faut identifier des points communs pour faire progresser des réformes en faveur d’un développement inclusif et durable.

Avez-vous un message à adresser aux jeunes qui souhaiteraient intégrer l’OCDE ? 

Sebastián : Tout d’abord, je leur dirais de suivre la voie académique qui les passionne et celle qui leur permettra de contribuer à de meilleures politiques publiques.
 L’OCDE traite d’un très large éventail de sujets : quasiment tout ce qui concerne l’action publique, à l’exception de la défense, y est abordé. Cela inclut l’éducation, la santé, l’environnement, la fiscalité, les finances publiques, la science et la technologie…

Je recommande aussi vivement de profiter d’échanges universitaires ou d’expériences professionnelles à l’international. Cela apporte une véritable valeur ajoutée pour évoluer dans un environnement multiculturel comme celui de l’OCDE.