Durant le Forum des Amériques, qui s’est déroulé du 26 au 28 mars 2025 à Mexico City, j’ai eu le plaisir de revoir Nasser El Mamoune. Je vous invite à découvrir son parcours lors de ses différentes missions au sein de Business France.
Par Diane Cardoso-Gomes, fondatrice de Paris Latina News

Bonjour Nasser, comment vis-tu cette expérience personnellement sur le continent latino-américain ?
Nasser : Mon histoire avec l’Amérique latine a commencé bien avant que je mette un pied sur le continent. Enfant, c’est par l’Espagne que j’ai découvert la langue, les sonorités… C’était une première porte d’entrée culturelle. Très vite, ce sont les pays d’Amérique latine qui ont éveillé en moi une curiosité beaucoup plus vaste. Quelque chose d’instinctif, presque viscéral. Une envie de comprendre ces sociétés multiples, mouvantes, pleines d’héritages et de métamorphoses.
Ce goût-là m’a d’abord mené vers les livres. Borges, Octavio Paz, Neruda, García Márquez… Je me souviens encore de cette brève rencontre avec lui à Mexico. Quelques minutes à peine, mais un moment suspendu, irréel — à l’image de ses romans, entre réel et imaginaire. Ces écrivains m’ont transmis une première clé de lecture du continent : une région où la mémoire, les rêves, les blessures et les récits s’entrelacent.
Puis il y a eu les études, les rencontres, les premières opportunités. Et un jour, cette chance de partir au Costa Rica, pour une mission de coopération économique avec le ministère de l’Économie. Ce fut un vrai déclic. J’ai compris que je voulais aller au-delà des clichés, comprendre ce qui se passe derrière les images toutes faites. Et surtout, m’ancrer, m’impliquer.
À partir de là, tout s’est enchaîné. L’Amérique centrale d’abord : le Guatemala, le Nicaragua, le Panama, et bien sûr le Costa Rica. Chaque pays m’a frappé par ses contrastes, son énergie incroyable… mais aussi ses vulnérabilités. On est constamment entre espoir et tension. C’est cela qui m’a captivé.
Puis est arrivé le Mexique. Un choc culturel, intellectuel, humain. Ce pays est un carrefour. Une terre de traditions millénaires, d’histoire précolombienne omniprésente, mais aussi un acteur moderne, stratégique, qui regarde autant vers le nord que vers le sud. J’y ai senti toute la complexité du continent.
Et ensuite l’Argentine — sa fougue, son intensité sociale, sa passion politique. Le Chili, tout en verticalité, entre cordillère et océan. La Colombie, pleine de promesses, en reconstruction permanente, toujours en mouvement.
Et enfin, le Brésil. Là, c’est un monde à part. Un continent dans le continent. Une expérience totale. Sa diversité, ses rythmes, ses tensions, son imagination débordante… Tout y est amplifié. Le Brésil m’a profondément marqué. C’est un pays qui bouscule, qui étonne, qui inspire.
Aujourd’hui, ce lien avec l’Amérique latine, il dépasse largement le cadre professionnel. Il est devenu personnel, intime… et même familial. Ce continent, qui m’attirait à l’origine par curiosité intellectuelle, est devenu une partie de ma vie, de mon identité.
Ce que j’en retiens, c’est cette capacité incroyable qu’a l’Amérique latine à se réinventer. À faire émerger de nouvelles idées, de nouvelles formes de vie, malgré les obstacles. C’est une source constante d’inspiration, de réflexion. Et chaque jour passé ici renforce un peu plus ce lien vivant, vibrant, que je ressens avec cette région du monde.
Peux-tu nous partager ton parcours académique et professionnel ?
Nasser : Sur le plan académique, je suis diplômé d’un Master en Administration Internationale de l’Institut des Hautes Études Internationales (IHEI) – Université Paris II Panthéon-Assas, d’un MBA de la Sorbonne Business School, et j’ai également étudié en partie à l’Inalco (Langues O’) mais aussi à San Diego, en Californie. Ces formations m’ont donné des fondations solides pour évoluer dans des environnements multiculturels et accompagner les entreprises dans leurs trajectoires internationales.
Mon parcours professionnel s’est construit au croisement du secteur public, du privé et d’une passion profonde pour l’international. J’ai commencé ma carrière au siège de l’OCDE à Paris, une première immersion dans les grandes dynamiques économiques mondiales. Rapidement, j’ai ressenti le besoin de me confronter à des réalités plus concrètes, plus proches du terrain, en rejoignant tour à tour des entreprises privées, l’Agence pour la coopération technique, industrielle et économique, les Missions économiques, puis Ubifrance et ensuite Business France, où j’ai occupé des fonctions en France comme à l’étranger, toujours avec un objectif : accompagner le développement international des entreprises françaises.
J’ai aussi eu l’opportunité de refaire une parenthèse dans le privé, en dirigeant les opérations américaines d’une ETI française de services numériques. Ce poste m’a permis de créer la filiale de l’entreprise au Mexique, avant de lancer ensuite une start-up spécialisée dans la gestion des actifs. Ces expériences entrepreneuriales et opérationnelles m’ont donné une vision très concrète des défis auxquels les entreprises font face lorsqu’elles s’internationalisent.
Mon histoire avec l’Amérique latine s’est construite au fil du temps, portée par une attirance profonde pour cette région. J’ai eu la chance d’y vivre plusieurs expatriations, en Amérique du Nord, centrale et du Sud, qui m’ont offert l’opportunité de découvrir la richesse des cultures locales, la diversité des modèles économiques, et d’explorer les nombreuses synergies possibles avec les entreprises françaises.
Après cette immersion latino-américaine, j’ai souhaité élargir mes horizons en partant pour une parenthèse en Asie du Sud-Est, à Kuala Lumpur, une expérience qui m’a ouvert à de nouveaux défis et modes de pensée. Puis, porté par une complémentarité naturelle, j’ai dirigé les activités de Business France sur la péninsule ibérique, où j’ai particulièrement travaillé sur ces marchés, riches de connexions historiques et culturelles avec l’Amérique latine. Ce passage m’a permis de renforcer encore ma compréhension des dynamiques ibéro-américaines, mêlant économie et culture.
Enfin, fidèle à cette passion qui m’anime depuis longtemps, je suis revenu en Amérique latine. Depuis septembre 2022, j’ai la responsabilité de diriger les bureaux Business France au Brésil et dans la région, en encadrant une équipe engagée et prête à accompagner les entreprises françaises face aux besoins croissants de ce territoire dynamique et riche en opportunités.
Quelles sont les missions actuelles d’attractivité et d’export de Business France dans cette zone géographique (Amérique latine) ?
Nasser : Tout d’abord, je souhaiterais rappeler les missions de Business France qui est l’Agence au service de l’internationalisation de l’économie française. Elle est chargée du développement international des entreprises et de leurs exportations, ainsi que de la prospection et de l’accueil des investissements étrangers en France.
Elle promeut l’attractivité et l’image économique de la France, de ses entreprises et de ses territoires. Elle gère et développe le Volontariat International en Entreprise (V.I.E). Business France dispose de plus de 1 400 collaborateurs situés en France et dans 53 pays.
En Amérique latine, les actions et missions que nous menons pour accompagner les exportateurs français et attirer les investisseurs étrangers, c’est en quelques chiffres :
50 experts sectoriels répartis dans 6 bureaux, couvrant directement les 7 marchés les plus importants et collaborant avec les Chambres de Commerce et d’Industrie de l’étranger pour en adresser 6 autres en lien avec nos autres partenaires de la Team France à l’étranger (les CCEF, Bpifrance, les partenaires OSCI et les cabinets référencés TFE).
En 2024, à Business France, nous avons accompagné plus de 1 200 PME et ETI françaises sur les marchés latino-américains, organisé plus de 30 événements collectifs, déployé 503 V.I.E dans 289 entreprises, et contribué en 2023 à 27 décisions d’investissement concrétisées d’entreprises latinoaméricaines ayant créé en 2023, plus de 1500 emplois en France et en 2024 plus de 650 emplois.
Ces réalisations témoignent de notre ambition commune de renforcer les échanges économiques et de construire des partenariats durables entre la France et l’Amérique latine.
D’un point de vue global, l’Amérique latine, véritable mosaïque de potentialités, se positionne comme un acteur incontournable sur la scène économique mondiale. Unique par sa stabilité relative sur le plan des conflits armés et des tensions géopolitiques, la région constitue un environnement propice à la coopération internationale. Nous vivons actuellement un tournant historique, marqué par des évolutions politiques, économiques et écologiques majeures, qui façonnent un avenir prometteur pour cette partie du monde.
L’un des moments marquants de cette dynamique a été la visite d’état du Président Emmanuel Macron en mars dernier au Brésil et en novembre la tournée en Amérique du Sud, avec des étapes en Argentine, à Rio de Janeiro (G20) et au Chili. Ces visites ont renforcé les liens bilatéraux avec des pays clés de la région et ouvert la voie à de nouvelles coopérations, notamment dans les domaines de la transition énergétique et numérique. Ce sont des enjeux cruciaux qui rejoignent les priorités globales et offrent des opportunités d’investissement et de partenariat pour la France et pour nos entreprises.
Par ailleurs, l’accueil du G20 à Rio de Janeiro a été un autre tournant. Cet événement a permis de positionner la région comme un espace stratégique pour les discussions mondiales sur des sujets vitaux : l’économie, le climat et le multilatéralisme. L’Amérique latine n’a jamais été aussi présente sur la scène internationale.
L’élection de Claudia Sheinbaum à la présidence du Mexique ouvre une nouvelle ère politique. Son engagement en faveur du développement durable, de la planification urbaine et de l’innovation pourrait renforcer les liens entre le Mexique et l’Europe. Nous suivrons de près les réformes et projets portés par ce nouveau leadership.
Le Forum des Amériques des CCEF, qui s’est tenu à Mexico, a précisément permis de réunir l’ensemble des acteurs de notre écosystème pour renforcer les liens économiques avec ce marché stratégique, véritable carrefour entre l’Amérique latine et l’Amérique du Nord.
Mais ce n’est pas tout. Les mois à venir s’annoncent tout aussi denses et prometteurs pour les relations économiques entre l’Amérique latine et la France. En 2025, nous aurons la chance de vivre la Saison France au Brésil à partir du mois d’août, avec une série d’activités et de missions qui mettront à l’honneur les échanges culturels, économiques et technologiques entre nos deux pays. Un événement clé pour renforcer les liens dans des secteurs aussi divers que l’innovation, la transition énergétique, et les industries créatives.
Enfin, un événement majeur à ne pas manquer : la COP30 début novembre à Belém, au Brésil, où la communauté internationale se réunira pour discuter des enjeux climatiques mondiaux. Ce sera pour nous, une plateforme unique pour promouvoir des solutions concrètes notamment à travers deux grands programmes d’immersion et d’accompagnement organisés par les équipes de Business France au Brésil, dédiés aux entreprises françaises ayant des solutions dans la bioéconomie et à la transition énergétique.
L’année 2025 sera également marquée par de nombreuses visites officielles de ministres, voire à nouveau du Président, dans plusieurs pays d’Amérique latine, illustrant l’intérêt stratégique renouvelé de la France pour la région. À l’inverse, des chefs d’État latino-américains seront attendus en France, à commencer par le président Lula, en visite d’État début juin et présent à la conférence des Nations unies sur les océans (UNOC-3) à Nice. Ces échanges de haut niveau témoignent d’une dynamique politique forte et d’une volonté partagée de renforcer les partenariats entre les deux rives de l’Atlantique.
Quels conseils donnerais-tu aux jeunes qui souhaitent se lancer dans le commerce international ?
Nasser : Je leur dirais d’abord d’être curieux, profondément curieux du monde. Pas seulement des chiffres ou des marchés, mais des gens, des cultures, des contextes. Le commerce international, ce n’est pas qu’une question d’export ou de contrats : c’est d’abord une aventure humaine, faite de ponts à construire entre les réalités locales et les dynamiques globales.
Je leur conseillerais aussi de s’immerger dans les langues et les cultures, de ne pas craindre l’inconnu. Parler la langue, comprendre les codes, s’intéresser aux histoires et aux sensibilités locales, c’est une force. C’est même ce qui fait souvent la différence.
Une formation solide et ouverte est un socle essentiel : ouverte sur les disciplines (économie, géopolitique, numérique, environnement…), sur les approches (publique, privée, associative…), et sur le monde, justement.
Et puis il y a une formidable porte d’entrée dans cette aventure : Le volontariat international en entreprise (VIE) ou en administration (VIA), c’est une chance unique d’apprendre en situation réelle, de représenter une entreprise française à l’international ( ou en Ambassade), tout en se formant soi-même à la complexité et à la richesse des marchés étrangers.
Enfin, je leur dirais de ne pas viser uniquement les “grands marchés” classiques. Le monde bouge. L’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie du Sud-Est, … sont des terrains d’innovation, de transformation, de coopération. Il faut avoir cette audace géographique.
En somme : curiosité, immersion, ouverture, engagement et envie de contribuer, pas seulement de “faire du business” – mais de le faire autrement, de façon plus responsable, plus durable, et plus humaine.
Merci Nasser pour la qualité de notre échange.
Retrouvez de nombreuses opportunités sur le site de Business France avec le dispositif V.I.E et entourez-vous de jeunes talents déterminés : https://www.businessfrance.fr/nos-expertises/vie
